Beaucoup de filles le font dans une parfaite ignorance en cachette avec la complicité des pseudo-médecins. Elles n’en savent rien par rapport aux risques de l’acte. L’avortement de nos jours est considéré par des jeunes filles comme un simple jeu. Si élèves et étudiants font partie du lot, la pratique est plus poussée chez les extrascolaires qui, malgré des sensibilisations organisées par-ci par-là, gravent des rumeurs dans la tête par rapport à l’utilisation des méthodes contraceptives et se laissent facilement piégées par des grossesses non désirées. Ne voulant pas encore un bébé ou des bébés, elles préfèrent l’avortement clandestin. Une pratique qui n’est pas sans conséquences sur la vie de la jeune fille.
L’utilisation des différentes méthodes contraceptives est toujours perçue par certaines filles comme des causes de quelques maladies observées chez elles entre autres, bouffées de chaleur, maux de têtes, maux de bas ventre, règles douloureuses, surpoids… Ainsi, des filles, des extrascolaires notamment des couturières et coiffeuses, préfèrent s’adonner à des rapports sexuels non protégés. Aux rumeurs, s’ajoutent des conseils de certains hommes religieux qui enseignent aux fidèles de leur église que l’utilisation des méthodes contraceptives ou des préservatifs en particulier par les jeunes est un péché. Bonjour les dégâts ! La porte s’ouvre grandement aux grossesses non désirées. N’étant pas prêtes pour se marier, les concernées font recours à l’avortement et ceci dans quelles conditions ?
Elles vont dans des cabinets médicaux de maison en cachette et tout se passe rapidement comme une opération « Mainlevée » à la douane. Sans aucune analyse au préalable, ces « infirmiers » procèdent à l’avortement et ne se gênent même pas pour un suivi par après. Ces filles sont souvent influencées par des propos de leurs pairs dans les centres ou ateliers d’apprentissage. Les devancières sont souvent considérées comme des modèles à suivre. Communément appelés « Seniors », leurs conseils ou informations non fiables sont souvent prises par leurs égales comme une parole d’évangile. Ayant quitté l’école pour faute de moyens dans la plupart des cas, ces filles profitent des week-ends pour faire la chasse aux hommes mariés pour récupérer quelques billets de banque et subvenir à leurs besoins.
Amivi, âgée de 17 ans et jeune apprentie coiffeuse raconte : « Nous avons un problème de moyens financiers. La peur premièrement c’est que l’homme, l’auteur de la grossesse peut-il t’épouser et prendre soins véritablement de toi ? Le doute nous amène à opter pour l’avortement. Là tu lui (l’homme) demandes l’argent pour une autre chose et tu vas faire l’avortement en cachette. Souvent c’est de 15000 en allant. Pour certains cas, on ne sait exactement pas le nombre de mois que la grossesse fait. Pour nous, quand les menstruations ne viennent plus on pense immédiatement à une grossesse alors que ce n’est pas aussi toujours vérifié. Dès fois à la suite d’un avortement des débris restent dans le corps et font souffrir par après. On a mal au bas ventre ; des saignements pas possible ».
Des cas des avortements non réussis à la suite d’une grossesse sont légions. Emilie, couturière et âgée de 20 ans nous livre sa mésaventure. « C’est l’année dernière que cela m’est arrivé. C’est la troisième fois que je fais l’avortement mais cette fois-ci la souffrance est à son plus haut degré. L’homme, l’auteur de la grossesse est marié et père de 4 enfants. Mon ambition n’est pas de le marier. Celui qui me fait d’habitude l’avortement a voyagé et une amie m’a conseillé une clinique de maison de leur quartier. Quelques semaines après l’opération, je commence par sentir des maux de bas ventre et par la suite des saignements pas possibles. J’ai eu peur et ne voulant pas que ma famille apprenne ce qui s’est passé, je suis allé me cachez chez une de mes amies. Je mets un tissus pagne de 1m dans l’entre jambe mais c’est saignement sur saignement. Et c’est là que mon amie est obligé de contacté ma sœur sans mon accord », a-t-elle relaté.
La sœur d’Emilie, revendeuse au grand marché de Lomé, l’a conduit dans un hôpital public. « On nous informe que l’avortement n’a pas été bienfait. Le médecin n’a pas fini sa phrase avant que ma petite sœur ne tombe en syncope. On lui a placé des sérums et elle s’est réveillée au bout d’un temps donné », a confié la sœur.
Avortements répétitifs, ce que vous risquez
Selon Dr Komla Selom N’soukpoe, Directeur exécutif par intérim de l’Association Togolaise pour le Bien-être familial (ATBEF), les risques des avortements répétitifs sont énormes. « Votre appareil reproducteur va subir des déformations, des dommages qui peuvent empêcher à terme cet appareil d’assumer les rôles de la procréation. Ce qui voudrait dire que si votre col a été blessé, si votre endomètre a été raclé, à un moment donné, la grossesse ne peut plus se nicher dans votre utérus et là peut-être que c’est les avortements répétitifs que vous ne voulez plus et maintenant c’est l’avortement involontaire qui va subvenir. Chaque fois qu’elles arrivent, ces grossesses, elles s’écoulent ou bien carrément vous n’arriverez plus peut-être à tomber enceinte parce qu’une série d’infections a totalement endommagé votre appareil reproducteur » a-t-il renseigné.
Il y a plusieurs autres éléments, poursuit le Docteur, qui peuvent venir surtout à la suite des avortements à haut risques, les avortements pratiqués dans des conditions très malsaines.
« Vous pouvez-vous en sortir avec votre utérus totalement perforé où on doit l’enlever, l’ablation de l’utérus par après. C’est des éléments qui sont associés aux avortements répétitifs. La pire des complications immédiates c’est que la jeune fille décède devant vous et vous ne pouvez rien ; c’est l’extrême. Si ce n’est pas le cas, ceux à quoi nous assistons souvent, c’est des filles qui saignent énormément et qu’on vous amène maintenant en milieu clinique reconnu », a-t-il faut savoir.
En cas d’avortement, adressez-vous aux centres de santé reconnus par l’Etat !
Pour des éléments relevant des questions de santé de la reproduction, il faut se diriger vers un centre de santé agréé par l’Etat. « C’est quand la personne est en train de mourir qu’on vous l’amène ; votre serment vous oblige maintenant bon gré malgré à le sauver mais, parfois c’est trop tard. Et c’est ce que personne ne souhaite pas. Donc dans une situation pareille, référez-vous aux prestataires qualifiés reconnus par l’Etat et qui exerce légalement et peut vous orienter », a conseillé Dr Selom N’soupkoe.
Par ailleurs, la plupart des filles qui vont vers des cliniques non agrées par l’Etat avancent comme argument l’accueil qui est mauvais dans les hôpitaux publics. « Tu rentres dans un hôpital public, on te pose des questions comme si c’est à la justice tu t’es rendu », a confié Judith, coiffeuse en fin d’apprentissage.
Mme Michelle Aguey, Secrétaire générale du Groupe Femmes Démocratie et Développement (GF2D), pour sa part, rappelle aux filles et aux prestataires dans les structures étatiques comme privée agrée par l’Etat que la loi sur la santé de reproduction votée en 2007 par l’Assemblée nationale garantit le droit à l’information aux citoyens. « Le dernier droit de cette loi c’est le droit à l’information. Chaque être humain, chaque citoyen a le droit d’avoir les informations nécessaire en ce qui concerne la santé de la reproduction : quelle contraception utiliser, quel moyen utiliser pour pouvoir concevoir, on a besoin d’avoir toutes les informations nécessaires pour pouvoir prendre la décision qui s’impose », a-t-elle fait savoir.
Quoi qu’on dise c’est la vie des jeunes filles qui est en danger et cela doit interpeller toute la société. Il faut sensibiliser et informer la population pour que ceux qui sont en train de pratiquer l’avortement de façon clandestine sachent que c’est puni par la loi et amener ceux qui seront au courant à pouvoir les dénoncer. Parce que quand la loi existe, tant qu’on ne sévit pas, les dérives suivent leur cours, ça se poursuit.
Au-delà de tout, les jeunes filles et aussi les jeunes garçons sont appelés tous à adopter un comportement sexuel responsable. Les méthodes contraceptives ne sont dirigées contre personnes. C’est le seul moyen aujourd’hui d’éviter les grossesses non désirées et par là aussi éviter l’avortement clandestin qui peut faire perdre la vie à la jeune fille. Les préservatifs (condom, fémidom) ont également une particularité : la double protection, leur bonne utilisation permet non seulement d’éviter les grossesses non désirées mais également les infections sexuellement transmissibles et le VIH.
La société aussi a un grand rôle à jouer. Les Organisations de la société doivent continuer leurs sensibilisations et surtout convaincre les jeunes filles à éloigner de leur esprit les rumeurs liées à l’utilisation des méthodes contraceptives. Aussi, la religion, doit-elle cesser d’être l’opium du peuple. Loin de faire la promotion des méthodes contraceptives dans leur église, les hommes religieux doivent prendre conscience des conséquences des grossesses non désirées et donner la vraie information à leurs fidèles en matière de la planification familiale et de la santé de reproduction.
Atha ASSAN