Ablation totale ou partielle des organes génitaux féminins externes, les mutilations génitales féminines (MGF) datent des siècles mais continuent d’exister sur la terre de nos aïeux alors qu’elles ont de graves conséquences sur la vie des filles qui en sont victimes. De la douleur lors des rapports sexuels aux souffrances insupportables pendant l’accouchement, la pratique porte atteinte à la dignité de la femme. Dans un entretien avec Togotopnews, Mme ADANDOGOU Adjowa Heloïse, présidente de l’Association de Sages-femmes du Togo (ASAFETO), s’est dressée contre la pratique et fait des propositions intéressantes pour y mettre fin entre autres « choquer l’opinion avec une vidéo ».
D’après une étude bilan de la mise en œuvre des Objectifs de Développement Durable (ODD) 3 et 5 au Togo, en 2017, « 6,3% des femmes âgées de 15-49 ans déclarent avoir subi n’importe quelles formes de MGF et 3,1% de filles âgées de 0-14 ans en ont également subi».
Selon Mme ADANDOGOU Adjowa Heloise, la mutilation génitale n’est pas sans conséquences sur la vie de la jeune fille. Ainsi, la présidente du Réseau des Organisations de la Société Civile Intervenant dans la Santé de Reproduction et Planification Familiale (ROSCI- SR PF) donne tout d’abord les raisons pour lesquelles, il faut lutter contre ce rite, avant de faire une proposition pertinente pour choquer les auteurs de la pratique, l’opinion nationale et internationale.
La dignité de la jeune fille en jeu
La principale raison pour laquelle, il faut lutter contre les mutilations génitales, selon Mme ADANDOGOU Adjowa Heloise, est que la pratique porte atteinte à la dignité de la jeune fille « en la réduisant en objet contre son avis, en la diminuant physiquement et en la privant de l’essence de son épanouissement sexuel ». Une fille qui a subi la mutilation génitale, informe la présidente de l’ASAFETO, ne peut pas bien jouir moralement, psychologiquement et physiquement de sa vie sexuelle. « Vous savez ce que cela implique ? Quand l’être humain se sent vraiment impuissant, cela agit sur sa vie sociale, professionnelle et conjugale. Je crois que c’est une raison fondamentale pour lutter contre ces mutilations génitales féminines », avance-t-elle.
Aussi, regrette Mme ADANDOGOU Adjowa Heloise, « les victimes souffrent terriblement quand elles ont des contacts sexuels physiques avec leur partenaire ». Et ça aussi, renseigne-t-elle, « personne n’y veille parce que tout ce qui compte c’est le plaisir de l’homme. Que la femme souffre ou pas, personne n’y veille ».
Devant une telle situation, la Présidente du ROSCI- SR PF recommande une lutte au plan social. « Il faut agir sur les parents qui sont en train de pérenniser une culture qui n’a pas de sens. On dira peut-être que quand on est dans une communauté qui croit en quelque chose, il n’est pas facile de retirer cette croyance-là. Mais en ce qui concerne nos us et coutumes avilissants, je pense qu’il faut les abandonner pour permettre à l’individu de s’épanouir », conseille-t-elle. Mais elle va plus loin.
Choquer l’opinion avec une vidéo
Choquer à travers une vidéo d’accouchement difficile de filles ayant subi une mutilation génitale. C’est la proposition idéale de Mme ADANDOGOU Adjowa Heloise pour bannir la pratique dans le pays. « Si je fais cette proposition, c’est qu’en réalité parce que la sensibilisation passe difficilement. Ce qui relève de la culture est difficile à bannir. Quand les communautés ou les parents mêmes, qui ont l’obligation de protéger leurs enfants raisonnent en termes de dignité familiale, je crois que le combat est à mener sur un autre front. Je suis peinée en tant que sage-femme de réaliser que ces parents-là ne nous assistent pas en salle, quand nous pratiquons l’accouchement sur les filles qui ont été victimes de ces mutilations génitales », regrette la sage-femme.
Cette dernière pense qu’on doit réaliser un film pour choquer l’opinion nationale et internationale. « Quand on parle de quelque chose que vous ne voyez pas, vous avez du mal à imaginer vraiment ce que c’est. Si on filme, pendant le travail d’accouchement, toutes les difficultés et souffrances (je ne parle pas de douleurs) psychologique, morale et physique dont sont victimes ces femmes, cela contribuera à une prise de conscience. Filmer une fille victime de mutilation génitale, en salle d’accouchement et qui est en train d’expulser son « produit de conception » pour qu’on voit réellement ce qui se passe en vue de changer de comportement », souhaite la présidente d’ASAFETO.
Cette proposition vient, réitère la sage-femme, parce que « la sensibilisation à elle seule ne suffit pas et donc il faut mettre à la disposition des gens, un élément visuel pour que les parents et la communauté se rendent compte de ce qui se passe pendant l’accouchement ». Les conséquences de ces rites, souligne Mme ADANDOGOU Adjowa Heloise, sont tellement importantes qu’il faut agir autrement.
Occuper les Exciseuses
Par ailleurs, elle souhaite également qu’on convertisse les Exciseuses en autres choses. « Par exemple leur fournir une enveloppe financière pour qu’elles puissent investir dans d’autres activités génératrices de revenus parce qu’il ne faut pas oublier que les activités qu’elles mènent leur permettent de vivre. Et donc, si on arrive à les convaincre à abandonner cette pratique et qu’on ne leur donne rien en retour, elles continueront parce qu’elles n’auront plus de ressources pour subvenir à leurs besoins », avertit la sage-femme.
Atha Assan