Elles sont régulièrement au chevet des femmes enceintes avant, pendant et après l’accouchement. Elles, ce sont les sages-femmes. Ces dernières, dans leurs tâches, ont l’obligation de sauver au moins deux vies : celle de la femme enceinte et du ou des bébé (s). Une mission qui non seulement a besoin de matériel adéquat mais aussi d’effectif requis.
Selon une étude bilan de mise en œuvre des ODD 3 et 5 au Togo, il ressort qu’en 2017, le pays a enregistré 294 décès maternels et 1446 décès néonatals contre respectivement 245 et 1 569 en 2016. L’analyse des rapports d’audit a montré que « plus de 80 % des décès maternels sont dus aux causes obstétricales directes (Hémorragie, Anémie décompensée, Pré éclampsie IVG, Infections). Les décès maternels surviennent chez les femmes entre 20 et 34 ans, en per et post-partum immédiat (38%) ». Pour le compte de l’année 2018, selon le rapport de 2018, le Togo a connu 325 décès maternels pour 1299 décès néonatals. Pour ce qui est des accouchements, le taux d’accouchement assisté par un personnel qualifié a connu une baisse passant de 52,0% en 2016 à 40% en 2017 pour une cible de 66%. Selon les données de l’EDST III, ce taux est de 61,50% en 2014. Cette proportion est de 84,77% en 2018. Ces différents chiffres démontrent que les signaux sont loin d’être au vert.
Cette situation est liée au nombre insuffisant de sages-femmes dans les maternités, selon la présidente de l’Association des sages-femmes du Togo (ASSAFETO), Mme ADANDOGOU Adjowa Heloise.
«Le personnel de la santé en charge du suivi de la grossesse, c’est la sage-femme. Quand une femme a besoin de services pendant l’accouchement pour qu’elle s’en sorte vivante avec un enfant vivant, c’est les services de sages-femmes qui sont encore sollicités. Or, malheureusement dans nos maternités des formations sanitaires publiques, la catégorie de personnel qui manque c’est encore les sages-femmes », relève-t-elle. D’après les études, souligne la Cheffe des sages-femmes, il ressort que dans les deux cas (mortalités maternelles et néonatales), c’est en per et post natal que cela advienne. « Dans les SONU (Soins Obstétricaux et Néonataux d’Urgence), pour prendre en charge les complications en per natal, c’est les sages-femmes, et les normes internationales préconisent au moins trois sages-femmes dans ces sites pour leur permettre de répondre à leur vocation de soins disponibles 24h/24 ; 7j/7. On n’est loin, au Togo, d’atteindre trois sages-femmes par site SONU ; on est à deux ou à un par endroit », renseigne Mme ADANDOGOU Adjowa Heloise.
Au même moment, affirme la présidente d’ASSAFETO, « les deux écoles qui existaient avant les quatre autres qui viennent d’être créées, mettent sur le marché de travail chaque année au moins 70 sages-femmes diplômées d’Etat ». Or, regrette-telle, « le recrutement ne suit pas ».
« Il y en a celles qui sont sorties depuis 5 ans qui ne sont pas recrutées et la production continue. Or, en même temps la pénurie est criarde sur le terrain. Alors faisant le lien, il faut former d’accord mais recruter tout en sachant que quand on forme à une pratique et qu’on ne donne pas l’opportunité à la personne formée d’exercer, elle a le temps de perdre la main. Or, le matériel des sages-femmes c’est l’humain; elle n’a donc pas le droit à l’erreur. On la forme, on la laisse trainer quatre à cinq ans avant de la recruter. Même sur les 70*5, c’est tous les cinq ans qu’on recrute 100 sages-femmes et souvent parmi ces 100, il y en a parmi elles qui font le bénévolat ce qui veut dire qu’en fait le gap n’est pas combler », affirme-t-elle.
Ainsi, Mme ADANDOGOU Adjowa Heloise fait savoir que la tâche n’est pas du tout aisée pour celles (les sages-femmes) qui sont déjà sur le terrain et le gap continu. « C’est l’exemple d’une sage-femme en périphérie qui doit recevoir par jour 50 femmes. Soit tu bâcles la consultation, soit tu le fais convenablement et tous les jours tu décents du service pas aux heures fixées par l’Etat. Les autorités sont conscientes du problème …Tout est priorité mais on dit une femme meurt, elle meurt avec son enfant ce n’est pas plus prioritaire ? Des femmes enceintes meurent de mort évitable », dit-elle.
Oui aux Consultations prénatales mais aussi à l’amélioration des soins Obstétricaux et Néonataux d’Urgence
Les vraies complications, indique la présidente de l’ASSAFETO, c’est au cours de l’accouchement per et post partum. « Les résultats des études ont prouvé que même avec les consultations prénatales, si on ne renforce pas les SONU, on aura rien fait parce que quand pendant l’accouchement, il y a une petite complication, et que le professionnel de santé n’est pas capable de prendre en charge par manque de moyens, c’est une mort évitable qu’on peut enregistrer. Cela peut être lié aux manques de produits sanguins, des instruments pour pratiquer les accouchements instrumentalisés », informe-t-elle.
Ainsi, Mme ADANDOGOU Adjowa Heloise propose qu’on fournisse les compétences aux prestataires et qu’on mette les moyens à leur disposition : « On a beau fait les consultations prénatales, avoir un carnet de consultations avec les 4 minimum assurés, quand tu arrives et il y a complication, tu peux mourir gratuitement. En plus des consultations prénatales, il faut renforcer les SONU et pourvoir ces sites en personnel qualifié. Ce qu’on exige c’est au moins trois sages-femmes. Qui n’a pas encore expérimenté la mort en couche d’une femme dans sa famille ? Quand il y a décès d’une femme dans une famille ce que cela implique tout le monde le sait ».
La nécessité d’une action concertée des parties prenantes
Le constat est que beaucoup de ressources sont injectées dans cette lutte contre la mortalité maternelle et néonatale; malheureusement, les taux ne continuent que de grimper. Cette situation, explique la présidente d’ASSAFETO, est due au fait que les partenaires qui interviennent dans la santé de la reproduction et l’Etat, n’ont pas la coordination qu’il faut. « Il faut reconnaître qu’il y a beaucoup de choses qui se font, beaucoup de ressources vont vers cette lutte ; il faut trouver d’autres stratégies pour que les résultats soient à la hauteur de l’investissement consenti », conseille-t-elle.
A cet effet, Mme ADANDOGOU Adjowa Heloise préconise qu’il y ait une coordination au niveau de la direction de la santé de la mère et de l’enfant. « Que le lead soit au niveau de toutes les directions pour que la coordination de ces ressources, que ce soient humaines, matérielles et financières, pour qu’on ait à la fin les résultats escomptés », recommande-t-elle.
Par ailleurs, cette coordination doit être également observée au niveau des Organisations de la société civile intervenant dans la santé de la reproduction et la planification familiale. Aussi, va-t-il falloir renforcer la pratique sage-femme au Togo en mettant en place un Ordre national des sages-femmes ; ce qui permettra de lutter contre la prolifération anarchique, dans les périphéries de Lomé et à l’intérieur du pays, des centres d’accouchement sans autorisation.
Atha ASSAN