Homme religieux, homme politique, ce sont les deux termes qui définissent bien le défunt Archevêque émérite de Lomé, Philippe Fanoko Kossi Kpodzro, décédé malheureusement ce mardi 9 janvier 2024 à l’âge de 93 ans. Le Patriarche togolais a laissé son empreinte dans l’histoire du pays.
Né le 30 Mars 1930 à Tomégbé (Village distant du centre-ville de Kpalimé de 15km, situé au pied du Mont Kloto), 3e enfant de son papa, il fut baptisé le 29 avril suivant par le révérend Père Jean-Marie BEDEL, une figure missionnaire digne de la légende dorée.
Philippe est entré aux Petits Clercs (Ouidah) en 1943. En 1945, il obtint son certificat d’Etudes puis entra au petit Séminaire de Ouidah. Après son baccalauréat 1ère partie en 1952, il voyagea sur Rome pour poursuivre ses études. Il fut ainsi le premier de sa génération à être envoyé à Rome pour les études philosophiques et théologiques. Deux ans après, il sera atteint d’une maladie « assez grave » qui a perturbé sa formation et le retarda d’un an et demi pour son ordination sacerdotale. De fait, au lieu d’être ordonné prêtre en 1958 comme ses promotionnelles, il reçut l’onction sacerdotale le 20 décembre 1959.
En 1960, Philippe part en Suisse pour approfondir sa philosophie en vue d’une thèse. Il a été titulaire de 2 Licences notamment un en philosophie et un autre en Ordination sacerdotale. Après son ordination sacerdotale en 1959, il étudia « les Lettres » à l’Université de Fribourg.
De l’Université de Fribourg, il fut rappelé au Togo le 17 août 1961. Son ministère se déroula dans les petits séminaires de Lomé et d’Atakpamé successivement Professeur et Recteur. C’est en 1973 que l’Abbé Philippe Kpodzro a été nommé Délégué National des prêtres togolais et Secrétaire général du SPCA (Secrétariat Permanent du Clergé Africain).
Le 03 Janvier 1976, l’Abbé Philippe fut nommé Evêque titulaire de Bacanaria et Administrateur Apostolique de « plein siège » d’Atakpamé en remplacement de Monseigneur Bernard Ogoubi Atakpah. « Sa nomination prit rapidement une tournure de personne et une allure ethno-politique au point que l’Ordination Épiscopale programmée a été en tout point mouvementée. Les cérémonies d’ordination devaient avoir lieu à Atakpamé au siège épiscopal. Le peuple de Dieu déferlait déjà du Sud au Nord et de l’Est à l’Ouest vers la ville d’Atakpamé. Devant des menaces de plus en plus graves d’empêcher à tout prix l’ordination, la célébration fut transférée nuitamment, à la dernière minute, à Lomé dans l’église Saint Augustin d’Amoutivé », a raconté Très Révérend Père, Dovi Ndanu. Cependant, « il a dû vivre en exil à Lomé pendant quatre ans, en dirigeant de loin son diocèse dans la mesure du possible ».
En 1991, le Togo, à la recherche d’une voie démocratique, choisit Monseigneur Philippe Fanoko KPODZRO comme Président de la Conférence Nationale souveraine. Alors que tout allait bien, en pleine assemblée, il fut séquestré pendant vingt-quatre heures et « subit l’humiliation ». Après la Conférence nationale, il dirigera le Haut Conseil de la République d’août 1991 à février 1994.
« Chaque fois qu’il va avoir une fête dans la vie de Mgr KPODZRO, se présente la croix »
Quand Lomé a accueilli Mgr KPODZRO comme Archevêque, dans la liesse, quelques mois après son intronisation le 02 Février 1993 l’épreuve de la maladie se présente à nouveau, ce qui a nécessité plusieurs voyages pour les soins, retardant et perturbant ses projets apostoliques.
Son intrépidité qu’il a certainement héritée de sa race AKPOSSO, raconte-t-on, a fait qu’« il ne capitule pas devant les difficultés et ne laisse pas les bras dans les épreuves ». Un autre secret de la vie de Philippe est « sa dévotion filiale à la Vierge Marie. Son éducation familiale et sa formation au Séminaire de Ouidah l’ont préparé à cette dévotion qui s’exprime dans la fidélité journalière au Rosaire et dans l’invocation de “ Marie conçue sans péché ” et du “ Sedes Sapientiae ” (Marie, “ Trône de la Sagesse ”) ». Notons qu’il a dirigé également la Conférence épiscopale du Togo de 1992 à 2006.
Un sergent tombé les armes à la main
Le Monseigneur Philippe Fanoko Kpodzro s’est fait senti sur la scène politique togolaise même à ses 90 ans dépassés. Ces différentes sorties à travers des conférences de presses, des lettres et des communiqués sont, entre autres, des preuves de sa témérité et surtout de son engagement politique sans cesse. Il taclait opposants, parti au pouvoir et même la Conférence des évêques du Togo sur les sujets de société et politique.
Ses convictions l’ont finalement amené à soutenir en 2020, lors de l’élection présidentielle, la candidature de l’ancien premier ministre Agbéyomé Kodjo qui perdra malheureusement les élections d’après les résultats officiels communiqués par la CENI et confirmés plus tard par la Cour constitutionnelle.
Ne reconnaissant pas les résultats issus de cette élection et réclamant toujours la victoire de son « protégé », il s’était exilé au Ghana puis en Suède où le prélat à rendu finalement l’âme mardi 9 janvier à l’âge de 93 ans.
Atha ASSAN