Afin d’améliorer son cadre juridique de gestion des urgences de santé publique dans le contexte de Covid19, le Togo a sollicité le soutien de « Resolve To Save Lives », organisation à but non lucratif basée aux Etats Unis, travaillant sur les questions de santé publique dans plus de 73 pays. Dans cet entretien, M. Paul Dossou BANKA, consultant juridique de « Resolve To Save Lives » nous parle de cette organisation, de l’appui qu’elle apporte concrètement « au Togo et des différentes activités menées dans ce sens. Le consultant revient également sur l’importance des textes en période de crise sanitaire, des faiblesses et forces du cadre juridique existant au Togo et la nécessité d’adopter un cadre juridique durable. Lecture :
« Resolve To Save Lives ». Parlez-nous brièvement de cette organisation !
Resolve To Save Lives est une organisation à but non lucratif basée aux Etats Unis travaillant sur les questions de santé publique dans plus de 73 pays avec la vision d’un monde dans lequel chaque personne est protégée par un système de santé publique fort et adéquat.
Resolve To Save Lives, est fortement engagée comme partenaire de choix aux côtés des gouvernements et autres institutions sur presque tous les continents pour co-créer, défendre et développer des activités dans les domaines de la santé cardiovasculaire et de la prévention des épidémies.
Entant que consultant juridique de « Resolve To Save Lives », dites-nous l’importance des textes en période de crise sanitaire !
Les crises sanitaires dues à des maladies à potentiel épidémique deviennent très récurrentes et la dernière en date est la pandémie de la Covid-19 qui continue de sévir même si nous reconnaissons aujourd’hui grâce à l’action collective de la communauté internationale qu’elle connait un recul par rapport à ces deux dernières années.
Dans une telle situation et pour mieux juguler ces différentes crises sanitaires, la loi ou le droit devient un instrument indispensable. Le droit international et les principes de Syracuse, nous rappelle la nécessité du fondement juridique pour toute mesure restrictive de libertés. De même, chaque Etat doit organiser son système de surveillance épidémiologique et de riposte par des instruments juridiques qui vont guider ses acteurs dans leur travail quotidien.
La préparation, la riposte et le relèvement dans une période d’urgence doivent être impérativement prévus par la loi pour des prises de décisions pratiques et efficaces par les autorités. Ainsi, pour être efficaces, ces décisions doivent être prises en adéquation avec le cadre juridique existant.
Depuis janvier 2020, « Resolve To Save Lives » accompagne le processus de renforcement du cadre juridique national pour la préparation et la riposte aux épidémies. Quelles sont les faiblesses et forces du cadre juridique existant au Togo ?
Effectivement depuis janvier 2020, Resolve To Save Lives collabore avec le Ministère chargé de la santé sur les questions relatives surtout au renforcement du cadre juridique relative à la gestion des urgences de santé publique.
Ainsi dans le souci de mieux maîtriser les problématiques sanitaires, le Togo avait adhéré au Règlement Sanitaire International 2005 (RSI 2005). Le RSI (2005) définit en effet les obligations des Etats Parties à développer des capacités de détection et de riposte aux évènements de natures biologiques, chimiques ou radiologiques et à rapporter annuellement à l’Assemblée Mondiale de la Santé leurs progrès dans sa mise en œuvre.
C’est ainsi que dans le cadre du suivi et de l’évaluation de la mise en œuvre du RSI 2005, il a été révélé à travers le rapport de la mission de l’Evaluation Externe Conjointe des principales capacités en 2018, que notre pays dispose des capacités limitées dans le domaine technique, législation, politique et financements nationaux.
C’est dans ce contexte que Resolve To Save Lives a entrepris une étude sur sollicitation du ministère chargé de la santé aux fins d’améliorer les capacités du pays conformément aux obligations du RSI (2005) . Ainsi, plusieurs faiblesses ou lacunes ont été identifiées et concernent entre autres, l’absence des définitions clés dans les textes évalués pertinents au RSI 2005 au niveau national; l’absence de désignation par un texte juridique du point focal national RSI comme une institution, et de désignation des points d’entrées avec une définition claire des autorités compétentes pour ces derniers; le manque de protection des droits de l’homme et des libertés dans un contexte d’urgences de santé publique ; l’absence des textes relatifs à la quarantaine d’une manière générale en cas de survenue des épidémies, l’insuffisance du cadre juridique en lien avec les mesures sanitaires relatives aux personnes et aux marchandises aux points d’entrée. Il faut également noter qu’il n’existe pas non plus en droit togolais, un texte qui intègre les obligations spécifiques pour la communication entre le point focal national RSI et l’OMS.
Pourquoi la nécessité d’adopter un cadre juridique durable ?
Lorsque l’urgence de santé publique survient, il appartient au cadre juridique d’établir les règles et d’organiser la riposte. C’est aux textes juridiques de donner mandat à chaque responsable de santé publique impliqué dans la gestion de l’urgence, de lui fournir les protocoles afin de détecter et de répondre aux menaces en la matière. Les meilleures lois anticipent les scénarios d’urgence potentiels et établissent un plan d’action juridiquement stable pour organiser la riposte du gouvernement.
En l’absence en effet de textes juridiques efficaces, il faut retenir que c’est toute la riposte de santé publique qui est remise en cause avec de graves manquements, d’incompréhension du rôle qu’aura à jouer chaque acteur impliqué. Les décideurs peuvent par exemple faire des choix hâtifs, pour défaut d’informations ou en se fondant sur des informations incomplètes. Des mesures utiles pour la riposte peuvent également être retardées ou annulées pour absence de base juridique solide par des juridictions. Le manque de préparation juridique peut rendre la riposte inefficace en effet.
Quel appui apporte concrètement « Resolve To Save Lives » au Togo ?
Resolve To Save Lives apporte un soutien surtout technique mais aussi financier pour amener le pays à rendre efficace son cadre juridique de santé publique.
Mais il intervient également sur d’autres volets comme la surveillance.
Parlez-nous des différentes activités menées dans ce sens !
Resolve To Save Lives, a appuyé le Togo sur plusieurs questions surtout juridiques qui concernent l’évaluation du cadre juridique en lien avec le Règlement Sanitaire International (RSI 2005), l’appui à l’élaboration des textes juridiques pour la gestion de la COVID-19,la revue fonctionnelle de la riposte juridique à la pandémie COVID-19, la formation et les sensibilisations des acteurs sur les caractéristiques d’un cadre juridique efficace des urgences de santé publique, l’appui à l’élaboration d’un avant-projet de loi sur la gestion des épidémies, le renforcement du Centre des Opérations des Urgences de Santé Publique (COUSP).
Album: quelques photos des activités réalisées
Aujourd’hui Resolve To Save Lives compte poursuivre ces actions menées et se trouve dans une dynamique de soutenir le pays pour sa participation à la négociation du traité sur les épidémies.
En dehors de cet appui juridique, Resolve To Save Lives soutient deux activités :
Au début de la pandémie de COVID-19, RTSL a fourni au Togo des fonds flexibles à travers un fonds d’intervention rapide géré par AFENET , qui ont été utilisés pour former le personnel d’intervention et déployer des équipes pour enquêter rapidement sur des centaines de cas et ainsi empêcher une propagation plus large de la COVID-19.
Durant les premiers mois de la pandémie de COVID-19, Resolve to Save Lives a aussi soutenu des activités de sensibilisation aux gestes barrières et au port du masque au Togo par l’intermédiaire de son partenaire en Afrique de l’Ouest : Association pour la Defense des Droits des Consommateurs (ADC).
Il faut également relever qu’un financement et une assistance technique ont été fournis pour les activités de surveillance épidémiologique rapide de la mortalité au Togo pour la collecte des données sur la surmortalité afin de déterminer les décès excessifs dus à la mortalité toutes causes confondues pendant l’épidémie de COVID-19.
Vous êtes à quelle étape de ce processus de renforcement du cadre juridique national pour la préparation et la riposte aux épidémies?
Aujourd’hui le Togo s’est engagé dans un processus de renforcement de son cadre juridique. Nous allons continuer le plaidoyer pour que le pays puisse adopter l’avant-projet de loi proposé et validé par des experts sectoriels nationaux impliqués afin de doter le Togo d’un cadre juridique beaucoup plus efficace et prenant en compte les différentes recommandations issues de ce processus qui dure plus de deux (2) ans déjà.
Il est également important pour nous comme nous l’avons souligné que le Togo participe efficacement aux négociations sur le traité sur les épidémies afin de partager les bonnes pratiques du pays dans la gestion de la COVID-19.
Un mot de fin?
Nous tenons à remercier le gouvernement à travers le ministère de la santé, de l’hygiène publique et de l’accès universel aux soins pour leur collaboration dans le cadre de la mise en œuvre de nos activités et espérons continuer dans la même dynamique pour renforcer la préparation et la gestion des épidémies au Togo.
En compléments,
- L’intervention de M. Paul Dossou Banka sur la radio Zephyr à Lomé
- Le passage de M. Paul Banka à la Télévision New Word TV
- Retrouvez également ci-dessous le lien d’un entretien accordé par la Web Télé Ecoconscience TV à M. Paul BANKA:
La loi des urgences de santé publique : Focus sur les 12 éléments caractéristiques