Le rêve de réduction de la mortalité maternelle, néonatale et infantile serait un vœu pieux si des actes concrets ne se posaient pas. Santé Intégrée (SI) fait partie des ONGs qui assistent l’Etat togolais notamment à travers le ministère de la santé, de l’hygiène publique et de l’accès universel aux soins. C’est ainsi que du 22 février au 7 mars 2022, elle a, en collaboration avec la Direction santé de la mère et de l’enfant (DSME), mis en œuvre une initiative de formation aussi bien pratique que théorique sur l’échographie de première niveau regroupant à Lomé, 20 sages-femmes de la Région de la Kara. A la fin de la session encadrée, entre autres, par des gynécologues et radiologues, la Rédaction de Togotopnews a échangé avec des participantes et des formateurs qui témoignent de l’impact et de l’intérêt cette initiative.
Ce n’est pas une formation comme les autres qui généralement dure un ou deux jours. Elle s’est non seulement tenue sur deux semaines mais est à la fois pratique et théorique.
Après quelques moments passés en salle de formation du CHU SO, les participants ont été répartis en deux groupes pour des stages dans deux structures : la clinique principale de l’Association togolaise pour le bien-être familial (ATBEF) et le service de radiologie du CHU Sylvanus Olympio. Une expérience et un parcours très salués par ces sages-femmes qui affirment avoir découvert et appris de nouvelles choses qui leur permettront de pratiquer désormais aisément leur métier en sécurisant la vie des femmes enceintes ainsi que celle du fœtus jusqu’à l’accouchement.
Témoignages
Les femmes de la région de la Kara pour faire les analyses d’échographie, sont obligées d’aller vers le chef-lieu de la région. Après cette formation, les sages-femmes se montrent aguerries et promettent de renverser la tendance ; des examens peuvent se faire sur place au grand bonheur des patientes. D’ailleurs, le projet a prévu de les doter en matériel pour le faire. « Nous avons eu la compétence de réaliser les échographies sur le site. Nous ne pouvons pas faire tout ce qu’il faut mais le minimum. On pourrait détecter quand même le nombre de fœtus qui est dans l’utérus, la présentation ; avec la biométrie du bassin voir si le fœtus peut être accouché par voie basse ou pas, et cela nous permet aussi de voir certaines pathologies associées à la grossesse. Nous avons appris à détecter les positions du placenta, la position du fœtus, là où il se localise parce qu’il y a des grossesses qui ne se localisent pas dans l’utérus. A partir de cette formation, nous pourrons au moins détecter plus vite certaines anomalies et les référer pour une meilleure prise en charge », confie Bayamina B. Adjo, sage-femme au Centre hospitalière préfectoral (CHP) de Bafilo.

Chez Essossinam K. Simgban, Sage-femme au CHP de Niamtougou, c’est toute une fierté qui l’anime. Elle apprécie la qualité et la patience des formateurs dans la transmission des compétences. « Nous sommes fières parce que nous avons eu la chance de rencontrer vraiment des encadreurs patients qui ont vraiment accepté nous former. Nous avons reçu des compétences et nous sommes prêtes à les utiliser », assure celle qui a été la porte-parole des participantes à cette formation.
Un processus d’acquisition pas si simple
Même si les sages-femmes se sont montrées satisfaites par les compétences acquises au terme de la formation, le chemin parcouru durant les deux semaines n’a pas été aisé pour elles. « Au début, la manière de tenir la sonde et faire des coupes n’a pas été facile pour nous mais au fur et à mesure nous avons pris l’habitude de le faire. Maintenant on peut bien le faire », affirme Bayamina B. Adjo. « Mais avec les encadrements et le suivi, nous sommes prêtes pour réaliser une échographie de première niveau », rassure, pour sa part, Essossinam K. Simgban qui exprime sa gratitude à Santé Intégrée, au ministère de la santé à travers la DSME pour cette opportunité pouvant permettre de réduire la mortalité maternelle et infantile.
Par ailleurs, les participantes ont soulevé quelques difficultés rencontrées au cours de la formation. Il s’agit, entre autres, de l’exiguïté de la salle de formation, la disponibilité en nombre réduit des femmes-enceintes durant la pratique et la réticence de certaines d’entre elles à la phase expérimentale. Elles souhaitent également que la formation, compte tenue de sa pertinence soit étendue aux autres sages-femmes de la région pour sauver des vies humaines.

Un suivi sur le terrain est prévu
Cette session de formation n’est qu’une étape du projet initié par Santé Intégrée pour réduire la mortalité maternelle et infantile au Togo. Ensuite viendra l’équipements des sages-femmes en matériel d’échographie. Un suivi est prévu sur le terrain avec des passages par moment des formateurs. Elles auront « très prochainement la dotation en appareil d’échographe et également en gel et en papier hygiénique pour réaliser les activités. Santé Intégrée va les accompagner pendant une année et mettra à leur disposition les intrants, le carburant et la motivation pour aller sur le terrain », a affirmé Mme Anita Kouvahey-Eklu, directrice adjointe pays de Santé Intégrée.
Et de poursuivre : « notre objectif, c’est de permettre à chaque femme enceinte où qu’elle se trouve, de bénéficier des examens d’échographie au cours des neuf mois qu’elle va porter la grossesse. C’est pour cela que nous souhaitons que cette activité se fasse en stratégie avancée », a justifié la directrice adjointe pays de Santé Intégrée.
En ce qui concerne le suivi, il est prévu se faire de façon mensuelle, trimestrielle et semestrielle. « Souffrez qu’on soit derrière vous pour cette supervision. Nous serons tout le temps derrière vous, ceci pour s’assurer que la qualité y est. Nous vous avons donné des objectifs et nous attendons de vous les plans d’action par rapport à ces objectifs », a lancé Mme Kouvahey-Eklu à l’endroit des sages-femmes à la clôture de la session.
Les formateurs insistent sur le cahier de charge
On ne peut pas en deux semaines devenir échographiste, c’est l’un des rappels importants des formateurs aux sages-femmes formées pour qu’elles n’aillent pas au-delà de leur cahier de charge ; et aussi éviter des conflits sur le plan professionnel avec la hiérarchie. « C’est l’échographie de continuité. On ne peut pas en deux semaines devenir un échographiste, vous êtes échographistes de premier niveau. Il faut rester dans votre cahier de charge. C’est une formation soutenue pour aller aider vos sœurs à ce que leurs bébés naissent en bonne santé et réduire ainsi la mortalité maternelle et infantile », a insisté le professeur Augustin Agoda-Koussema, Chef service Imagerie médicale au CHU SO et formateur sur le projet.
Engagée au Togo depuis 2004, l’ONG Santé Intégrée sauve des vies dans les communautés les plus négligées du monde en intégrant des agents professionnels des centres de santé publics aux agents de santé communautaires (ASC) formés pour améliorer l’accès et la qualité des soins aux populations. A travers ses différentes actions, elle contribue énormément à la réduction de la mortalité maternelle, néonatale et infantile. En 2020, elle desservait 40 000 personnes dans quatre centres de santé à travers le nord du pays permettant ainsi une réduction de 70% de la mortalité infantile dans les communautés couvertes par son programme de renforcement. S’appuyant sur ce succès, SI est en expansion pour servir 160 000 personnes de plus, au cours des quatre prochaines années. Ce faisant, l’organisation travaille avec le Ministère de la Santé pour étendre le modèle à l’échelle nationale.
Atha ASSAN