Les pays africains perdent d’importantes sommes d’argent chaque année, en raison des flux financiers illicites (FFI). Des montants colossaux qui pourraient contribuer à financer le développement.
Les flux financiers illicites (FFI) font payer un lourd tribut au développement, et ce sont les populations les plus pauvres qui en pâtissent.
Selon la Conférence des Nations unies sur le commerce et le développement (CNUCED), dans un rapport publié en septembre 2020, l’Afrique perd chaque année environ 88,6 milliards de dollars américains en raison de la fuite illicite de capitaux, ce qui équivaut à 3,7 % du produit intérieur brut du continent.
Le déficit de financement pour atteindre les objectifs de développement durable, estimé à 200 milliards de dollars par an, pourrait donc être réduit de près de moitié, si on met fin aux FFI.
Dans le rapport 2020 sur le développement économique en Afrique intitulé « les flux financiers illicites et le développement durable en Afrique », les FFI sont définis comme les mouvements transfrontaliers d’argent et des avoirs dont la source, le transfert ou l’emploi sont illégaux. Les FFI peuvent provenir des pratiques fiscales et commerciales illégales comme la fausse facturation des échanges commerciaux, les marchés illégaux, les activités relevant du vol et financement du terrorisme et de la corruption.
Il faut toutefois souligner qu’en Afrique, des études et des données factuelles soulignent que ces flux sont en grande partie liés aux activités commerciales.
Les FFI sortants ont des conséquences sur l’Afrique et ses habitants (ainsi que d’autres régions du monde qui en sont victimes).
« Les flux financiers illicites privent l’Afrique et ses habitants de perspectives d’avenir, compromettent la transparence et la responsabilité « , a déclaré le Secrétaire général de la CNUCED, Mukhisa Kituyi.
Les FFI sapent ainsi le potentiel de l’Afrique à réaliser les Objectifs de développement durables. Ils représentent une ponction majeure sur les capitaux et les revenus en Afrique, minant la capacité de production et les perspectives de l’Afrique pour atteindre les objectifs de développement durable (ODD).
En effet, en septembre 2015, l’Assemblée générale des Nations unies a adopté 17 objectifs de développement durable déclinés en 169 cibles. Ces objectifs, censés être atteints en 2030, ont l’ambition d’embrasser les enjeux économiques, sociaux et environnementaux du développement : de l’éradication de la pauvreté à la réduction des inégalités, en passant par l’industrialisation et l’adoption de modes de production et de consommation durables. Le programme est ambitieux, puisqu’il vise à généraliser à l’ensemble du monde le développement économique et social, tout en réduisant drastiquement les émissions de gaz à effet de serre et l’utilisation des ressources naturelles.
« Lutter contre les FFI, une question d’éthique
Selon l’économiste togolais, Komi Tsowou, expert des questions commerciales, pour lutter contre les FFI, tout d’abord, les initiatives de transparence doivent être encouragées et soutenues.
« A bien des égards, lutter contre les FFI est une question d’éthique. La communauté internationale doit protéger en ce sens les organisations de la société civile, les lanceurs d’alerte et les journalistes d’investigation qui jouent un rôle essentiel en révélant l’ampleur des FFI et les mécanismes qui les soutiennent en Afrique et au-delà. Je dirais aussi qu’atteindre une justice sociale implique pour les entreprises multinationales de promouvoir une responsabilité sociale d’entreprise qui renforce le progrès économique et social inclusif et de manière durable », a-t-il affirmé.
Il a poursuivi que les pays africains devraient parvenir à une position commune sur les réformes de la fiscalité internationale et influencer les négociations afférentes au niveau international. Il faudra aussi réviser les conventions fiscales en vue d’optimiser, sinon d’augmenter les droits d’imposition dans les pays victimes de FFI. De plus, les pays devraient éviter de signer des conventions qui limitent fortement leurs droits d’imposition. Chaque pays devrait évaluer les coûts liés à la suppression des droits d’imposition à l’aune des avantages potentiels en matière d’attraction des investissements directs étrangers.
Selon l’économiste, le renforcement de la collaboration multilatérale est aussi un élément essentiel pour promouvoir la justice fiscale. Il est aussi nécessaire d’accélérer les restitutions des avoirs volés aux pays ayant droit. À cet égard, la communauté internationale devrait soutenir davantage les initiatives telles que l’initiative pour le recouvrement des avoirs volés (StAR – Stolen Asset Recovery Initiative) de la Banque mondiale et de l’Office des Nations Unies contre la drogue et le crime (ONUDC), une initiative qui vise à donner des conseils pratiques sur les stratégies de recouvrement des avoirs et la gestion des efforts qui y sont consacrés.
Hélène Doubidji