Première personne à poser sa voix pour un spot publicitaire n’en mina au Togo, Hunlede Dédé Massogna Thérèse communément appelée « Da Dédé » est présentatrice de journal en langue locale et animatrice des émissions « Somenegnon » et « Miwoenegnon » sur la radio Kanal Fm à Lomé. Autrefois commerçante, son destin a basculé il y a 24 ans. Portrait d’une animatrice chevronnée de la langue mina qui n’était qu’une « auditrice au bout du fil »!
Près de la pharmacie Hanoukopé, trotte un immeuble qui abrite la Radio Kanal Fm. 7 heures du matin, une voiture gare au-devant de l’édifice. Une dame à carrure imposante, bien accoutrée en tenue pagne, assortie d’un masque, en sort et prend les escaliers, c’est Da Dédé. Mère de famille et grand-mère, la soixantaine, cette animatrice radio est en phase avec le micro.
Cela fait plus de 20 ans que cette voix émane des ondes pour un vaste auditoire. Le vivre ensemble, le rejet de l’injuste sur toutes ses formes, la sensibilisation à bien d’égard sur diverses préoccupations constituent la ligne directrice de cette dame qui manie avec une aisance inaccoutumée le mina dans un style décomplexé et humoristique. Comment est-elle devenue cette redoutable animatrice radio, cette voix qui résonne tant derrière les spots publicitaires et annonces ? Une immersion dans le monde de cette éblouissante animatrice radio.
Née à Aného, ville située à 45 Km de Lomé, Da Dédé est issue d’une famille polygame où elle est strictement élevée par sa mère dont elle est l’ainée. Elle fit ses études primaires et secondaires dans la ville tricentenaire mais malheureusement, son cursus scolaire a été écourté à cause d’une douloureuse maladie qu’elle a eue à l’âge de 16 ans. L’école n’étant pas forcément synonyme de réussite dans la vie, très tôt, elle décide de se lancer dans le commerce alors qu’elle a regagné Lomé, la capitale. C’est ainsi qu’elle combinait le commerce des assiettes et la vente de fruits au marché de Hanoukopé. Une activité qui lui permettait de vivre convenablement. Mais en 1996, une nouvelle carrière s’offre à elle : l’animation radio. A l’origine, une participation aux émissions de jeux sur une radio de la place.
De la sœur « Thérese » à « Da Dédé », juste un pas à franchir
L’inspirante histoire de « Da Dédé » commence le jour où au fond de sa chambre, elle a fait un geste anodin. « Un jour, alors que je m’ennuyais dans ma chambre, j’ai allumé la radio. Et je suis tombée par hasard sur une nouvelle fréquence. On y jouait de la musique gospel, et comme j’adore ce type de musique, je suis tombée amoureuse de cette radio qui n’est autre que la radio Evangile. Je captais alors régulièrement cette radio, qui quelques mois après, a démarré des jeux bibliques aux cours desquels, on donne la parole aux auditeurs. Les jeux m’intéressaient tellement que je participais régulièrement par téléphone. Ce n’est pas aujourd’hui où on a des téléphones portables. Il fallait courir pour aller dans une cabine téléphonique et appeler », se souvient-elle.
Son intérêt pour ces émissions interactives lui a valu plus tard, un poste d’interprète à la radio Evangile. Un animateur séduit par la pertinence de ses interventions, lui a fait appel, pour interpréter en mina, une émission, consacrée à l’entreprenariat qui se déroulait en Français. « J’ai hésité dans un premier temps. Je me demandais si j’allais être à la hauteur. Puis que je n’avais jamais fait un travail pareil auparavant. Mais à ma grande surprise, quand j’ai débuté, tout le monde m’appréciait. À l’époque, j’étais connue sous le nom de la sœur Thérèse. A un moment, j’étais devenue l’interprète de tous les pasteurs qui venaient prêcher sur cette radio. Par la suite, on m’a confié une émission de dédicace que j’animais. Et c’est parti pour 6 ans de collaboration avec la radio Evangile (1996 à 2002).Voilà comment j’ai commencé avec la radio», raconte-t-elle.
Après la radio Evangile, Da Dédé rejoint Nana Fm, après avoir fait entre temps, un petit crochet à la radio Bonne Nouvelle. C’est toujours en participant aux émissions interactives, que la porte de la radio Nana Fm lui a été ouverte. Très appréciée par les autres auditeurs de Nana Fm qui la réclamaient souvent, Da Dédé a conquis aussi le cœur des animateurs qui eux-mêmes l’appelaient parfois pour réagir lors des émissions.
Et à l’occasion de la célébration des 2ans de Nana Fm, une bonne proposition lui a été faite. « Dans le cadre des deux ans de Nana Fm, nous avons été invités. Et quand le journaliste Peter Dogbé, le rédacteur en chef d’alors m’a rencontrée, il m’a proposé tout suite de travailler avec eux », relate-t-elle. Avant de poursuivre : « Je n’ai jamais regretté d’avoir accepté cette offre. C’est à Nana Fm que j’ai appris à présenter le journal, à lire les communiqués, les avis, et à créer des émissions. J’ai fait 8 ans à Nana Fm. C’est là-bas aussi que j’ai posé la première fois ma voix pour un spot publicitaire en mina avec l’aide d’un confrère journaliste ».
Aujourd’hui, et ce, depuis Octobre 2009, Da Dédé travaille à la radio Kanal Fm et a à son actif deux émissions de grandes écoutes « Somenegnon » et « Miwoenégnon ». Tous les jours, de 10 H 00 à 10 H 55 sauf le week end, à travers son émission « Somenegnon », Da Dédé instruit les auditeurs sur les sujets de société, santé, les questions relatives à la famille, au code de la route et à la culture.
Quant aux après-midi, elle anime sa seconde émission « Miwoenégnon », consacré, aux sujets d’actualités, décryptés avec ses invités journalistes et ou acteurs de la société civile.
Et ce n’est pas tout. Outre l’animation de ces deux émissions, Da Dédé est aussi présentatrice du journal en mina. Taches qu’elle assume avec beaucoup de tacts.
« C’est le métier même qui est venu à moi »
Selon l’animatrice radio, le métier est venu tout naturellement à elle. « Je n’ai jamais écrit j’ai l’honneur de…Partout où je suis passée, ce sont des gens qui ont cru en moi qui m’ont fait appel. C’est le métier même qui est venu à moi. Toutes les émissions que j’anime, je les ai créée moi-même. Le but est de conseiller et d’éduquer. Toutes ces émissions résument un peu ce que je fais dans ma vie quotidienne. Au marché, à la maison, partout où je passe j’aime donner des conseils. Je suis contre l’injustice», affirme la Présidente de Jury de 228 T Factor.
Sa parfaite maitrise de mina, elle n’arrive pas à l’expliquer. Pour elle, « c’est un don de Dieu ».
Un impact incommensurable des émissions de Da Dédé
Les sujets qui font objet de débats lors de ses émissions sont généralement des sujets réels, des problèmes quotidiens. Beaucoup y tirent des leçons de vie. C’est l’exemple d’une dame qui était sur le point d’avorter et qui a dû changer d’avis, après avoir suivi l’une de ses émissions. « Un jour, une dame est venue me voir à la radio, pour me présenter une jolie fille de 3 ans. Elle m’a dit que si elle n’avait pas suivi mon émission, cet enfant n’existerait pas aujourd’hui. La jeune femme m’a raconté que compte tenu des difficultés financières, elle a voulu avorter sa grossesse mais elle a changé d’avis, après avoir écouté l’émission en question », nous a relaté l’animatrice de « Somenegnon », avant de nous raconter d’autres histoires similaires.
Entre autres, celle d’une femme qui a failli quitter son foyer mais a finalement abandonné l’idée, et celle d’une jeune fille qui a avoué arrêter d’entretenir des relations amoureuses avec des hommes mariés, après avoir écouté ses émissions. La liste est loin d’être exhaustive.
Parfois après les émissions, la radio est pleine d’auditeurs qui viennent en nombre pour la voir et lui exposer leur problème. Au-delà même des émissions, l’animatrice affirme qu’elle va parfois dans les familles pour solutionner des problèmes entre parents et fils, entre couples, entre frères et sœurs… Elle use aussi de sa notoriété pour cautionner certaines femmes auprès des grossistes afin qu’elles puissent démarrer une activité génératrice de revenus. « Je suis fière que je suis utile au Togo, que j’impacte les gens, et que j’ai des retours positifs par rapport à toutes mes émissions », se réjouit-elle.
Une fierté partagée par les auditeurs. « J’adore Da Dédé. J’aime ses émissions. On en tire beaucoup de conseils pour mieux se comporter », reconnait une auditrice. Quand à une autre d’ajouter. « J’aime tellement ses émissions, chaque jour je suis au rendez-vous. C’est une femme exceptionnelle qui fait du bien à beaucoup de gens à travers ses émissions. »
Pour sa rédactrice en Chef, Mme Patricia Adjissekou, Da Dédé est une parfaite collaboratrice, une femme vertueuse, respectueuse et dotée d’une intelligence hors-pair. « Tous les textes que nous lui soumettons pour le journal sont en français et elle trouve les mots justes pour les présenter en mina. C’est vrai, elle n’a pas fait à la base une formation en journalisme, en animation radio, c’est un autodidacte mais elle exerce parfaitement le métier comme cela se doit. C’est une dame à qui je jette des fleurs et que je félicite beaucoup,», témoigne-t-elle.
Un parcours entremêlé de diverses reconnaissances
Da Dédé a eu divers reconnaissance par rapport à son engagement entre autres le Prix d’excellence Réné Descampts international (meilleure journaliste de la langue locale 2016) ; un diplôme d’honneur de la commune d’Aného pour son implication dans la sensibilisation contre la défécation à l’air libre, 2018 et une reconnaissance du Concept Todekaviwo, 2015.
Elle a en outre reçu, en 2013, un certificat de mérite de l’Association Jeunesse Medias et une reconnaissance de l’ONG FONDAVO pour ses sensibilisations accrues pour les droits des veuves.
En 2011, fort de sa part dans la communication et sensibilisation contre les hépatites ; Da Dédé a également reçu, un diplôme d’honneur de l’Association Sauvons l’Afrique des hépatites.
Comme pour couronner le tout, l’animatrice radio vient ,d’être sacrée meilleure femme médias de l’année 2020 par le Prix Togo Top Impact.
Conseils de Da Dédé aux jeunes filles
Pour l’animatrice, « dans la vie, il faut d’abord avoir un objectif. Etre déterminé dans tout ce que l’on entreprend, aimer son travail et y investir à fond ». Aux jeunes filles, elle conseille de ne pas compter sur les hommes mais plutôt sur elles-mêmes.
Hélène Doubidji