COMMUNIQUE DE PRESSE
Une action urgente est nécessaire à l’échelle mondiale pour lutter contre le « fléau » des violences sexuelle et sexistes, exacerbées par les conflits, le COVID-19 et les changements climatiques.
Une combinaison toxique de conflits mondiaux, du COVID-19 et des changements climatiques exacerbe les violences sexuelles et sexistes basées sur le genre (VSBG) contre les femmes, les enfants et les adolescents vulnérables dans le monde entier, y compris en Afrique de l’Ouest.
Dans une tribune publiée vendredi 26 août 2022, trois grands défenseurs de la santé et des droits des femmes – Très Hon. Helen Clark, présidente du conseil d’administration de et ancienne première ministre de Nouvelle-Zélande, Michelle Bachelet, Haute-commissaire des Nations Unies aux droits de l’homme et ancienne présidente du Chili, et S.E. José Manuel Albares, ministre espagnol des Affaires étrangères – appellent à une action multilatérale urgente pour lutter contre ce qu’ils décrivent comme un « fléau » de viols ou d’autres abus physiques ou mentaux violents, visant les femmes, les enfants et les adolescents vulnérables, en particulier ceux qui vivent dans des contextes humanitaires.
En 2022, 274 millions de personnes auront besoin d’aide humanitaire et de protection. Ce chiffre est en nette augmentation, comparé à celui de 235 millions de personnes il y a un an, qui était déjà le plus élevé depuis des décennies. Alors que les statistiques sur le plan mondial montrent que près d’un tiers des femmes et des filles âgées de 15 à 49 ans ayant déjà eu un partenaire ont subi des violences physiques et/ou sexuelles au cours de leur vie, la menace des violences sexuelles et sexistes (VSBG) est élevée dans les contextes humanitaires. Le risque et la portée des VSBG sont donc exacerbés par le nombre croissant de crises qui se succèdent dans le monde – du COVID-19 aux changements climatiques en passant par les conflits. Pourtant, moins de 1 % du budget humanitaire mondial est consacré à la protection contre les VSBG. Il existe donc un besoin urgent d’actions et d’interventions ciblées pour prévenir et gérer les VSBG, qui, dans les contextes humanitaires, visent essentiellement les femmes, les enfants et les adolescents.
Les conflits armés, les catastrophes naturelles et les urgences humanitaires peuvent considérablement affaiblir la capacité d’une société à protéger les femmes, les enfants et les adolescents contre les VSBG. Le viol et d’autres formes de VSBG sont utilisés dans les conflits comme des outils de guerre pour atteindre des objectifs militaires ou politiques.
Le viol systématique a des conséquences terribles sur la santé physique et mentale des femmes, notamment des complications liées à la grossesse, des maladies sexuellement transmissibles (MST) et la mort provoquée par un avortement à risque. La crainte de la stigmatisation sociale qui découle du viol décourage les femmes qui ont subi une telle agression à chercher de l’aide ou un traitement, de sorte que de nombreux cas ne sont généralement pas signalés.
« Les violences sexuelles et sexistes se développent chaque fois que survient un conflit armé, car la peur, le chaos et la confusion constituent une couverture parfaite pour les auteurs de ces actes », écrivent Clark, Bachelet et Albares dans leur tribune.
« Les conflits exacerbent les inégalités entre les sexes qui touchent de manière disproportionnée les femmes et les filles dans le monde entier et aggravent les niveaux de violence dont elles sont victimes. L’effondrement des normes sociales, des contraintes juridiques et des protections communes donne aux hommes armés la possibilité de s’en prendre aux femmes, aux enfants et aux adolescents vulnérables. Il s’agit souvent d’une stratégie préméditée visant à terroriser la population. »
Les cas de violences sexuelles liées aux conflits augmentent dans le monde entier – dans un rapport du Secrétaire général de l’ONU au Conseil de sécurité, 49 groupes ont été identifiées comme étant soupçonnées avec certitude d’avoir commis ou d’être responsables de viols ou d’autres formes de violences sexuelles dans des situations de conflit armé en 2021. Les femmes et les filles représentaient 97% des cas de violence sexuelle liés aux conflits signalés en 2021.
Les filles et les femmes victimes d’un conflit peuvent également être contraintes de se livrer au commerce du sexe en échange de nourriture, d’argent ou d’autres ressources nécessaires à leur survie. Et dans certaines régions, elles sont mariées précocement ou de force pour protéger ou prendre soin de leur famille. En raison de la privation de liberté et de la violation des droits, le mariage des enfants est en soi une forme de violence liée au sexe, et est reconnu comme tel par le droit international.
En 2018, 933 cas de violences sexuelles contre les enfants ont été vérifiés dans la région Afrique. Les chiffres vérifiés les plus élevés pour les violations relatives aux violences sexuelles continuent d’être documentés en Somalie (331) et en République démocratique du Congo (277). Les cas de violations liées à des violences sexuelles restent largement sous-déclarés, en particulier lorsqu’ils sont perpétrés contre des garçons, en raison de la stigmatisation, du manque de services et des préoccupations relatives à la protection des victimes.
Toutefois, les conflits ne sont pas les seuls facteurs de l’augmentation inquiétante des violences sexuelles et sexistes. La pandémie mondiale du COVID-19 et les événements climatiques extrêmes contribuent également de manière significative aux VSBG.
Bien que des populations entières soient touchées par les changements climatiques, les femmes et les filles en sont doublement victimes, à la fois en tant qu’êtres humains et en raison de leur sexe. Le Programme des Nations unies pour l’environnement estime que 80 % des personnes déplacées du fait des changements climatiques sont des femmes.
Lorsque les femmes sont déplacées et contraintes de se réfugier dans des camps de réfugiés ou dans d’autres lieux peu sécurisés, elles sont souvent séparées de leur famille élargie et de leurs réseaux de soutien communautaire, et ont un accès limité aux services sociaux et de santé de première nécessité. Dans de tels contextes, les femmes et les filles sont plus exposées aux VSBG. Une analyse de 19 études réalisées dans 14 pays a révélé qu’environ 21% des femmes déplacées ont subi des violences sexuelles. Le chiffre réel pourrait, toutefois, être plus élevé en raison de la faible dénonciation des femmes par crainte de la stigmatisation.
Au Mali, le nombre de déplacés internes a augmenté de 100 000 en 2021, pour atteindre plus de 401 002 personnes – soit quatre fois plus qu’il y a deux ans. Les acteurs de la lutte contre les violences basées sur le genre (VBG) ont signalé 5 486 incidents de VBG, soit une augmentation de 41 % des cas signalés à la même période en 2020.
Les centres de santé locaux de la province du Sud-Kivu, en RDC, estiment que 40 femmes sont violées chaque jour dans la région. Au Liberia, qui se remet lentement d’une guerre civile de 13 ans, une enquête gouvernementale menée dans 10 comtés en 2005-2006 a montré que 92 % des 1 600 femmes interrogées avaient subi des violences sexuelles, notamment des viols.
Les données montrent que les adolescents (10-19 ans) et les jeunes (15-24 ans) réfugiés ont souvent des difficultés à accéder aux informations et aux services relatifs à la santé et aux droits sexuels et reproductifs (SDSR) en raison des mauvaises conditions de vie, d’un assainissement inadéquat et d’un accès limité aux services de santé associés aux conflits et aux déplacements.
« Les femmes, les enfants et les adolescents migrants sont également confrontés à un risque élevé de violence sexuelle étant donné l’absence de voies de migration sûres et régulières », écrivent Clark, Bachelet et Albares. « Cette situation est exacerbée par l’accès inadéquat aux services et aux informations, notamment sur les droits, ainsi que par les barrières linguistiques et l’accès limité ou inexistant à un travail décent et à une éducation. Une évaluation menée auprès de migrants et de réfugiés à la frontière entre la Colombie et le Venezuela a classé la gestion des soins et la prévention des violences sexuelles et sexistes parmi les 10 principaux besoins non satisfaits en matière de santé sexuelle et reproductive. »
Depuis le début de la crise du COVID-19, les récentes données et les rapports établis par les acteurs de première ligne montrent que tous les types de violence à l’égard des femmes et des filles, en particulier la violence domestique, se sont intensifiés, ce qui a été qualifié de « pandémie de l’ombre ». Quatre-vingt pour cent des récentes études révèlent une augmentation de la violence contre les femmes et les enfants pendant la pandémie du COVID-19. Dans certains pays, les numéros verts consacrés à la violence domestique ont rapporté une multiplication par cinq du nombre d’appels après l’introduction de mesures de distanciation physique et de confinement.
Lorsque la pandémie du COVID-19 était à son apogée, 68 % des services de reprouction, y compris l’avortement sécurisé et les soins post-avortement, ont été, ne serait-ce que partiellement, perturbés. Dans les pays à revenu faible ou intermédiaire, on estime qu’en 2021, 1,4 million de grossesses non désirées ont été enregistrées avant que les femmes n’aient eu à nouveau accès aux services de planification familiale. En outre, on estime que près de 10 millions autres filles risquent de devenir de jeunes mariées au cours de la prochaine décennie en raison du décès de leurs parents et d’autres facteurs liés à la pandémie, tels que la fermeture des écoles, la crise économique, l’interruption de services et les grossesses.
Les trois défenseurs des droits humains appellent à un effort multilatéral concerté pour lutter contre les violences sexuelles et sexistes, en impliquant tous les secteurs et toutes les parties prenantes.
À l’échelle mondiale, ils appellent à des efforts multilatéraux concertés afin d’accélérer la lutte contre les VSBG et de renforcer la collaboration internationale en faveur d’une DSSR intégrale pour tous les individus, y compris la prévention des VSBG.
Un communiquéabout:blank publié par les États membres du G7 en juin 2022 a relayé cet appel. L’Appel à l’Action mondiale lancé en 2020 par le PMNCH pour faire face aux impacts multiples et intersectionnels du COVID-19 sur la santé et le bien-être dans le monde incluait également la prévention des violences sexuelles et sexistes (VSBG) par le biais de programmes intégrés d’éducation et de protection.
Les trois défenseurs appellent également à des mesures de dédommagement pour tous les survivants, en fonction du sexe et de l’âge, conformément au droit international relatifs aux droits de l’Homme et au droit international humanitaire.
Au niveau national, les trois défenseurs mondiaux appellent les pays à élaborer des politiques et à consacrer des ressources à la protection de la santé physique et mentale des réfugiés et des autres personnes exposées à la violence personnelle et au déplacement causé par un conflit.
En intégrant ce programme, les gouvernements nationaux et les autres parties prenantes devraient consentir des investissements pour le renforcement des capacités, le suivi et l’analyse des données, ainsi que pour la formation de base des professionnels de la santé, en leur offrant notamment un cadre de travail sécurisé et propice.
« Nous disposons des moyens nécessaires pour mettre fin à ce fléau, mais cela nécessite une approche de partenariat intégrée à tous les niveaux », concluent Clark, Bachelet et Albares. « Nos actions doivent être guidées par les principes clés des droits de l’homme – égalité et non-discrimination, participation et autonomisation, responsabilité et accès à la justice. Aucune contribution ne pourra fonctionner seule, de sorte que chaque secteur et chaque partie prenante doit contribuer à éradiquer les violences sexuelles et sexistes dans les zones de conflit et les contextes humanitaires. »
L’impact de la Violence Basée Sur le Genre (VSBG) sur la santé physique et émotionnelle des femmes, des filles et des adolescents fera partie des sujets explorés lors d’un prochain sommet organisé par le PMNCH (Partenariat pour la Santé de la Mère, du Nouveau-né et de L’Enfant), la plus grande alliance mondiale pour la santé des femmes, des enfants et des adolescents.
Le jeudi 22 septembre 2022, le petit-déjeuner annuel du PMNCH sur la redevabilité : combattre les conflits, les changements climatiques et le COVID-19, une triple menace pour les femmes, les enfants et les adolescents en Amérique latine et dans les Caraïbes, va se concentrer sur l’impact de la pandémie du COVID-19, des conflits et la crise climatique sur la santé et le bien-être des femmes, des enfants et des adolescents de toute la région.