Si le potentiel fiscal des pays en développement est considérable, il y a de réelles difficultés à la collecte des deniers des contribuables. Alors qu’ils contribuent à l’atteinte des ODD, beaucoup de citoyens au togolais refuse malheureusement de payer les impôts.
Au Togo, le payement de l’impôt par les contribuables a la peau dure. Cela va du boutiquier du quartier au chef d’entreprise en passant par les propriétaires fonciers, les professions libérales etc.
Selon la plupart des chefs d’entreprises que nous avons interviewés et qui ont préféré gardé l’anonymat, il ressort que l’incivisme fiscal se justifie souvent par des arguments peu ou non fondés. Certains estiment qu’il y a beaucoup de triches et rechignent à payer les impôts. D’autres en fin de compte se demandent à quoi sert l’impôt qu’ils payent d’autant plus que dans leur localité, ils ne voient pas de retombés car il n’y a pas d’hôpital, ni d’école… Et donc ils se révoltent contre le système fiscal.
Des raisonnements balayés de revers de mains par Yawo Kassegné, étudiant en Droit des Affaires et Fiscalité à l’Université de Lomé qui affirme que ceux qui ne paient pas pour les services que l’Etat leur fournit devraient être punis. « Les togolais doivent comprendre que c’est de leur devoir de contribuer au financement des biens et services publics tels que les routes, la santé, l’éducation, la sécurité publique, etc. Le fait de ne pas payer les impôts sur leurs revenus constituent un acte rébarbatif et ils doivent être sanctionnés selon la réglementation en vigueur en la matière », souligne-t-il.
Pour l’étudiant les incompréhensions liées au non payement des impôts sont dus au fait qu’il y a un manque de sensibilisation des citoyens qui ne se sentent pas concernés par l’impôt. « Donc, une communication allant dans ce sens pourrait les amener à mieux comprendre. Parce que certainement des gens n’ont pas cette culture citoyenne de le faire. Des commerçants et artisans constituent les contribuables privilégiés auxquels l’administration fiscale doit apporter une attention toute particulière. Pour cela, il convient d’organiser à leur endroit des séances d’éducation », dit-il.
Lambert Sogowou, un autre étudiant en Droit des Affaires et Fiscalité à l’Université de Lomé renchérit que les journalistes doivent aussi être associés à cette lutte. « Ceux-ci peuvent servir de ponts entre la population et les administrations fiscales. Pour cela, il convient d’abord de les former sur le bien-fondé des impôts, les motiver de sorte qu’ils traitent souvent les matières fiscales dans leurs développements journalistiques, par exemple chaque mois ou chaque trimestre. L’incivisme fiscal n’est pas toujours délibéré ou conscient, mais est plutôt secrété par le manque d’information. Et ce manque d’information ne peut être comblé que par les journalistes dont le métier est d’informer la population », explique-t-il.
Selon ce dernier , l’école et l’université étant les berceaux même de la formation des futurs cadres du pays, l’administration fiscale doit aussi travailler avec ces entités, afin de sensibiliser les jeunes écoliers et étudiants sur le bien-fondé de l’impôt et le respect de ses obligations fiscales. Il précise qu’en s’inspirant des expériences d’autres pays d’Afrique, les autorités en collaboration avec l’Office Togolais des Recettes (Otr) doivent introduire dans les programmes scolaires, des écoles primaires et secondaires, le cours de civisme fiscal. L’objectif visé, dit-il, « est l’enfant qui est le citoyen de demain, demeure le canal idéal pour transmettre les vertus, cardinales qui doivent forger le comportement recherché chez l’adulte ».
La fiscalité joue un rôle clé dans la mobilisation et l’affectation des ressources intérieures
Selon la banque mondiale, la fiscalité joue un rôle clé dans la mobilisation et l’affectation des ressources intérieures nécessaires à la fourniture de services publics essentiels et, plus largement, à l’atteinte des objectifs de développement des gouvernements.
Pour l’institution, il ne s’agit pas seulement de taxer davantage ou de baisser les impôts sur les sociétés. Il s’agit de taxer mieux en simplifiant et en améliorant le fonctionnement de l’administration fiscale, en modernisant la législation et en veillant à ce que les responsables des services des impôts possèdent les compétences nécessaires pour contrôler les entreprises locales et multinationales.
C’est pour cette raison que le Programme d’action d’Addis-Abeba, adopté en 2015, appelait les pays à intensifier leurs efforts pour mieux mobiliser leurs ressources intérieures, sachant qu’une très grande part des financements publics destinés à atteindre les Objectifs de développement durable (ODD) doit provenir des pays eux-mêmes.
Hélène DOUBIDJI